Discours d'Evo Morales 8 mars 2004

Publié le par Ju

Discours d’Evo Morales

A l’occasion du 50e anniversaire du Monde diplomatique, le 8 mars 2004, devant 4 000 personnes réunies au Palais des sports de Paris, quelques-uns des plus grands intellectuels et certains des principaux animateurs des mouvements sociaux mondiaux se réunissaient pour parler de ce que signifie le mot « résistance ». M. Evo Morales était parmi eux. Extrait de son intervention.

 

En Amérique, pendant plus de cinq siècles, nous avons résisté aux politiques de soumission, d’esclavage, de marginalisation, d’exclusion des peuples indigènes. Au bout de 500 ans, le 12 octobre 1992, nous avons décidé de passer de la résistance à la prise du pouvoir des peuples indigènes. En Bolivie, dans ce processus de prise du pouvoir, nous avons organisé un instrument politique du peuple qui est le Mouvement vers le socialisme.

Au fur et à mesure que nous nous organisions, participant démocratiquement à la récupération du pouvoir politique, nous avons reçu en permanence des menaces de l’impérialisme américain. Durant les luttes sociales et communales de la décennie 1970, on nous a accusés d’être « rouges », d’être des communistes ; en 1980, 1990, on nous traités de narcotrafiquants puis, à partir du 11 septembre 2001, on nous a accusés de terrorisme, alors que nous cherchions à récupérer nos territoires.

Exemple de ces accusations : dans le quotidien bolivien La Prensa du 8 décembre 2001, l’ex-ambassadeur des Etats-Unis dit : « Evo Morales est un Ben Laden andin et les producteurs de coca, les paysans, des talibans. »

Quand, pour la première fois, à la tête des peuples indigènes, aymara, quechua, guarani, et d’autres secteurs de travailleurs, d’intellectuels, de professionnels, nous nous sommes présentés aux élections, l’ambassadeur des Etats-Unis a fait pression sur l’électorat, à quelques jours du scrutin, afin qu’il ne vote pas pour Evo Morales. Mais, au lieu d’effrayer le peuple, il n’a fait que provoquer sa rébellion et, en ce sens, je peux dire qu’il a été mon meilleur chef de campagne !

Je voudrais vous montrer, à travers ces informations, l’importance de l’ingérence des Etats-Unis dans mon pays. Depuis la Maison blanche, le 1er mars 2003, on a accusé « Evo » de faire partie d’une force bolivarienne. Oui, nous sommes Bolivariens ! Et en particulier, je suis « chaviste », compañeros. Mais on a dit aussi qu’Evo Morales est financé par les Forces armées révolutionnaires de Colombie. C’est faux.

Nous pourrions parler longuement de ces accusations lancées par le gouvernement des Etats-Unis… L’année dernière, après la révolte des peuples indigènes et paysan de Bolivie, on m’a accusé d’avoir reçu de l’argent de Chávez pour renverser le président [Gonzalo Sánchez de Lozada].

Ce que je veux vous dire, c’est que nous, les peuples indigènes, nous sommes la réserve morale de nos terres. Nos formes de vie sont fondamentalement basées sur nos normes, qui sont : ne pas voler, ne pas mentir, ne pas être faibles.

Autres menaces… Le 11 janvier 2004, Bush s’est emporté contre Nestor Kirchner, en raison de l’appui argentin à Evo Morales.

Comment est-il possible que le gouvernement des Etats-Unis, depuis la Maison blanche, nous accuse de narcoterrorisme ? Comment est-il possible que le premier terroriste du monde nous accuse, nous, peuples indigènes, nous qui sommes on ne peut plus démocratiques, d’être des terroristes ?

Nous les condamnés, nous les menacés d’extermination, nous les peuples indigènes, nous avons décidé de récupérer notre territoire, ce qui signifie : ne pas permettre la privatisation ni la mise en concessions des ressources naturelles, qu’elles soient forestières ou minières ; ne pas permettre que les services de base deviennent des affaires entre les mains du privé. A partir du moment où les services de base passent entre les mains du privé, il y a violation des droits humains.

Jusqu’à présent, nous avons livré une grande bataille, expulsant quelques transnationales [de l’eau] pour défendre la vie, depuis la Bolivie (…). Ce que nous voulons dire, compañeras et compañeros, c’est que notre lutte, fondamentalement, dans ce nouveau millénaire, est une lutte pour la dignité, pour l’identité et pour l’humanité. Et, spécialement, pour l’autodétermination des peuples.

Les Etats-Unis, avec leur sauvagerie, avec leur arrogance, peuvent intervenir facilement contre des peuples, contre des pays, mais jamais ils ne pourront les contrôler. Si nous voulons obtenir la paix et la justice sociale dans le monde, nous n’avons d’autre alternative que d’en terminer avec l’impérialisme nord-américain.

Merci beaucoup.

Publié dans Billet d'humeur...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article